Il est des petits détails qui vous gâchent une journée : un ourlet défait, une tache de gras sur une blouse en soie, un bouton qui lâche ou… un accroc sur un collant. À la question : « Vous êtes-vous déjà retrouvée dans une situation inconfortable à cause d’un collant filé ? », 82 % des femmes répondent oui (étude Creatests 2014 (1)). Dans ce même sondage, elles le jugeaient peu fiable et inconfortable. Une mauvaise réputation qui colle à la peau de cet essentiel féminin délaissé même par les créateurs. Sur les podiums de Paris, Milan et New York, les mannequins en manteaux trottinent jambes à l’air – voire en chaussettes dans leurs sandales. Un hiver jambes nues ? Une aberration pour le commun des mortelles, mais la mode a ses raisons… « Dans les séries de Vogue Paris, lorsque Carine Roitfeld en assurait la direction, de 2001 à 2010, le collant était banni, se souvient Marie de Reynies, responsable du marché mode femme du Printemps. Il était considéré comme ringard, et le phénomène a pris une ampleur telle que les femmes ont arrêté d’acheter des jupes : elles ne savaient plus comment les porter. »

Une lingerie pratique, un achat ludique

Cet hiver annonce son retour, et c’est tant mieux, une jambe n’est jamais aussi belle que galbée dans un bas ­Nylon. Toby Darbyshire et Edzard van der Wyck, les Britanniques derrière la marque Heist, en sont persuadés. Poussés par leurs épouses et amies (soixante-sept au total les ont aidés à concrétiser leur projet), les deux entrepreneurs ont élaboré, à l’issue de 197 prototypes, le collant parfait, vendu exclusivement en ligne sur ­heist-studios.com. Décliné en trois teintes (nude pour peaux claires, chair pour peaux foncées et noires), trois épaisseurs (voile, semi-couvrant et opaque) et deux hauteurs de ceinture, le Heist séduit. Depuis le lancement de la marque en octobre 2015, le chiffre d’affaires de la société augmente de 40 % chaque mois. Son secret ? « Une ceinture confortable qui ne roule pas, ne vrille jamais et épouse la taille sans l’étrangler. Un confort unique lié à notre fil italien ultradoux. Et un pied sans gousset ni couture, explique Edzard van der Wyck. Aujourd’hui, les consommatrices attendent peu d’un collant, elles l’envisagent comme une lingerie pratique, mais nous pensons que leur regard va changer. Nous voulons rendre cet achat aussi ludique que celui d’un vêtement à la mode. »

Chez Calzedonia, on confectionne des collants et des chaussettes (et des maillots de bain, l’été !) depuis trente ans. Implantées en France en 2009, les petites « boîtes à collants » se multiplient : on en compte déjà 160. La spécificité de la marque italienne ? Refuser la distribution en grandes surfaces et gérer son propre réseau. « Nos conseillères de vente font notre force, assure-t-on en interne. Nous garantissons à chaque femme de lui trouver le modèle idéal. » Le label vient de sortir le Sneakers 50, premier du genre conçu pour être porté avec des baskets. « Plus les stylistes mettent les collants en valeur, plus les clientes en réclament en boutique, ajoute-t-on. Actuellement, celui en vogue est le voile noir, ultraclassique. »

Des sneakers, un bas voile… et voilà la silhouette phare du dernier défilé Céline printemps-été 2017 ! « Les designers jouent de nouveau avec le collant, continue Marie de Reynies. Phoebe Philo chez Céline, avec toujours une longueur d’avance, pousse le curseur en glissant des voiles noirs sous les robes en coton de son dernier show. La collection hiver de Prada avec ses gros damiers Burlington et surtout celle de Demna Gvasalia chez ­Balenciaga contribuent aussi à ce come-back, notamment à travers des pièces couvrantes et techniques façon leggings sportifs. S’offrir un collant de créateur peut s’apparenter à l’achat d’un accessoire griffé accessible, au même titre qu’un vernis à ongles. »

Qu’il soit à la pointe de la mode ou plus classique – 50 deniers – pour tous les jours , il assure en toutes circonstances. À toutes fins utiles, il se murmure que la version noire ultra-opaque n’est plus au goût du jour. « Il n’y a pas de vêtement plus intime, plus près de la peau, résume Edzard van der Wyck, de Heist. Alors, pourquoi investir dans un cachemire moelleux et continuer de porter des collants de mauvaise facture ? »